Thursday, June 08, 2006

Cameroun : une campagne contre le «repassage» des seins !

Le Réseau national des associations de tantines a lancé, le 30 mai au Cameroun, une grande campagne de sensibilisation contre le repassage des seins. Cette pratique est particulièrement répandue dans les villes, où elle est censée retarder l’activité sexuelle. La coutume est désastreuse tant au niveau physique que psychologique.

« A 12 ans, quand j’ai eu un peu de seins, mes parents étaient inquiets. Ils avaient peur que j’attire les garçons. Un jour, ma mère m’a appelée et elle a commencé à me masser les seins avec une pierre chauffée dans le feu. Elle avait un chiffon pour ne pas se brûler et a posé la pierre brûlante sur moi. Ça faisait très mal. Quand elle massait, je criais tellement que les voisins venaient voir ce qui se passait dans la cuisine », raconte Amélie. Cette jeune Camerounaise de 24 ans, traumatisée, a subi pendant trois mois, matin et soir, le « massage » des seins, également appelé le « repassage ». Une pratique, notamment constatée au Togo et en Guinée, qui vise le plus souvent à empêcher le développement de la poitrine chez les adolescentes pour retarder leurs premiers rapports sexuels. Parce que les conséquences physiques et psychologiques se font de plus en plus jour, le Réseau national des associations de tantines (Renata) a lancé, le 30 mai, une campagne de sensibilisation.

« La campagne va durer un an et sera menée dans tout le Cameroun, explique Dessem Ebanga, secrétaire exécutive du Renata. Les communicateurs traditionnels présents le 30 mai sont repartis avec des spots de télévision et des dépliants pour faire circuler l’information en milieu rural. Dans les villes, la communication se fera surtout par la radio. Il y a beaucoup de travail parce qu’il faut qu’à la fin de l’année tous les Camerounais soient au courant des dangers du repassage. » Cette initiative est née après le constat que la plupart des membres du Renata avaient eu les seins « repassés ». Dès lors, ils ont fait appel à l’organisation allemande GTZ pour les aider à enquêter, car ils n’en avaient pas les moyens.

24% des adolescentes ont les seins « repassés »
Deux anthropologues, le Dr Flavien Ndonko et Germaine Ngo’o, se sont penchés sur le phénomène. En décembre 2005, et dans les dix provinces du pays, 5 661 filles et femmes âgées entre 10 et 82 ans ont été interrogées par 28 enquêtrices. Résultat : 24% des adolescentes camerounaises ont vu leurs seins naissants écrasés. Une tâche surtout pratiquée par les femmes, avec en tête les mères. Toutefois, 7% des filles le font elles-mêmes, en cachette, car on les a complexé sur leur poitrine qui naissait alors que leurs camarades n’avaient encore rien. Dans de rares régions, on fait appel au père ou au frère pour que la méthode soit plus efficace. Mais la plupart du temps, les hommes ne connaissent pas cette coutume, qu’ils ont pour beaucoup découvert lors de la campagne de prévention.

Pour aplanir les seins, on utilise souvent les pilons ou les pierres à écraser, préalablement chauffés. Mais on note aussi l’usage de peaux de bananes plantain, de feuilles et de serviettes chaudes. Tous ces moyens seront tous appliqués directement sur la poitrine nue et douloureuse à cause de la croissance. D’autres tactiques consistent à utiliser des « serres-seins » ou du sel et du pétrole
avec lesquels on masse les seins naissants. Parfois, il y a en plus tout un rituel. « Il y a une région où, après le massage, les filles doivent jeter les noyaux du fruit noir, que l’on mange ici, sur les garçons pour que leur poitrine reste plate. Une autre coutume consiste à embrasser le tronc d’un bananier et de tourner autour pour que la poitrine reste lisse comme le tronc », confie le Dr Flavien Ndonko, qui pensait le phénomène marginal avant de participer à l’étude.

Habibou Bangré

On a la chance de vivre dans un pays dans lequel nos plus gros soucis ne sont rien à comparer des cadets des soucis de certaines femmes !

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